Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 20:32

Un jour qu'Abraham était tranquillement assis devant sa tente, au lieu-dit "Les chênes de Mamré", à rêvasser sur sa destinée et sa descendance qui se faisait toujours attendre,

 

voilà que Dieu lui apparaît. La Bible est très laconique à ce sujet : comment, pourquoi? On n'en sait rien. Peut-être qu'Abraham a tout rêvé, après tout.

 

Quoique : une preuve tangible ne tardera pas à se manifester, quelques neuf mois plus tard…

 

Toujours est-il que ce jour-là, en plein midi, Abraham aurait peut-être mieux fait de rester à l'ombre de sa tente ou des chênes.

 

"J'ai peut-être eu une insolation, qu'il se dira après coup, pour vivre des histoires pareilles".

 

Car il voit tout à coup, déboulant de nulle part, trois mecs debout devant lui.

 

D'où ils sortent, ces trois gaillards? Abraham et Sarah vivent au fin fond de nulle part, dans un endroit encore plus désert que le désert, sans autoroute, sans hôtel, sans réseau téléphonique…

 

Qui a bien pu guider ces gugusses jusque chez eux?

 

Bien sûr, c'était Dieu, le super-gps des envoyés divins, mais ça, le cerveau un peu ramolli d'Abraham, pour cause de canicule, ne l'avait pas capté…

 

N'empêche qu'Abraham a des manières, et, quand il voit arriver ces trois hommes, il se précipite à leur rencontre (pas trop vite quand même, à son âge, faut se ménager).

 

Il leur dit "Monseigneur, bonjour!" (il dit "Monseigneur" comme s'il n'y en avait qu'un, parce qu'il n'est pas du tout certain qu'il ne voit pas double ou triple, à cause de la chaleur…).

 

Ne reste donc pas là en pleine chaleur de midi, ça tape dur sur le crâne!"

 

Il crie à ses serviteurs : "Amenez de l'eau pour leur laver les pieds, pas qu'ils entrent dans ma tente toute propre avec leurs panards tout dégueulasses, on vient de faire le ménage."

 

D'ailleurs, dans le fond, n'entrez pas, il fait étouffant sous cette tente, restez plutôt dehors sous les arbres, c'est plus frais.

 

Je fais amener le pastis, et quand vous serez reposés, on pourrait se faire une petite pétanque, hein?"

 

Parce que ça lui manque, la pétanque, à Abraham : il a bien encore les boules, mais Sarah ne sait plus comment les utiliser…

 

"Et je vais aussi vous faire apporter un peu de fougasse, elle vient d'être cuite, elle est dorée, croustillante et moelleuse, vous allez m'en dire des nouvelles."

 

"OK, fais comme tu l'as dit", répondent les trois hommes.

 

Abraham court à la tente, et dit à Sarah : "j'ai promis à ces trois mecs de leur faire goûter ta fougasse, alors, grouille-toi : prends de la farine, de la bonne huile d'olive, et prépare-nous ta fougasse. C'est qu'ils ont faim, ces gars."

 

"Oui, oui, j'y vais", dit Sarah. Elle n'aime pas trop être bousculée, mais d'un autre côté, sa fougasse, elle sait que certains s'en relèveraient la nuit pour y regoûter. Donc elle est assez fière de sa fougasse…

 

Mais Abraham se dit qu'une fougasse toute nue, c'est un peu short, et qu'il faudrait voir à l'agrémenter.

 

Si bien qu'il cavale chez son boucher et choisit un morceau de veau bien tendre, en lui demandant de le cuire en roast-beef bien juteux.

 

Puis il va chercher son pastis

 

(en fait, la Bible parle de lait caillé, mais c'est une traduction fautive : il s'agit en réalité d'anisette troublée d'un rien d'eau et de quelques glaçons. La faute à la ressemblance du point de vue de la couleur, sûrement).

 

Abraham apporte tout ça, et les trois hommes se mettent à manger, en remerciant bien poliment, et en complimentant Abraham pour la bonne fougasse de sa femme.

 

"Tiens, au fait, dit un des trois, elle est où, ta femme Sarah?"

 

Là, Abraham commence à se dire qu'il y a quelque chose de louche, avec ces trois gars : comment ils savent que sa femme s'appelle Sarah? Il ne l'appelle que "femme", sauf dans l'intimité…

 

"Ben, là, sous la tente", répond Abraham.

 

Un des trois continue : "Je vais revenir au printemps, et, à ce moment-là, ta femme Sarah aura un fils."

 

Moi, je serais Abraham, je me méfierais vachement de ce type : Dieu sait ce qu'il a fait avec Sarah du temps qu'il allait chez le boucher…

 

Sarah, elle, comme toute femme qui se respecte, espionnait la conversation, planquée derrière le rideau d'entrée de la tente.

 

Abraham et elle étaient déjà archi-vieux, et elle, ça faisait déjà quelques années que les affaires de femmes, on n'en parlait plus. Pas de risque de marmot, donc.

 

Sarah se met donc à rire, et à se dire : "Je suis plus usée qu'une vieille blague de comptoir de bistrot, comment je pourrais encore jouir des fruits de l'amour?

 

D'autant plus qu'Abraham, hein, à son âge, n'a plus la vigueur de sa jeunesse, quand on s'est connus."

 

(tout étant relatif, puisque Abraham et Sarah se sont connus sur le tard, sur le très tard même).

 

Entendant cela, Dieu, par la bouche d'un des trois hommes, dit : "Eh dis donc, pourquoi elle rit, cette chèvre de Sarah? Pourquoi elle se demande comment elle pourrait tomber enceinte, à son âge?

 

Elle n'a pas encore compris que Dieu peut tout, même lui coller un polichinelle dans le tiroir à son âge? Promis-juré, comme je te l'ai dit, la prochaine fois que je reviens, son marmot, elle l'aura!"

 

Sarah a quand même un peu peur : "Non, j'ai pas ri".

 

"Si, tu as ri", répond l'autre. Mais qui rira bien, etc.

 

Là-dessus, voilà nos trois hommes qui se lèvent :

 

"Bon, Abraham, c'est pas tout ça, mais nous, on a encore du boulot, faut qu'on y aille."

 

Et comme c'est quand même des envoyés de Dieu, ils remercient bien poliment pour l'accueil chaleureux

 

(surtout celui qui a été retrouver Sarah dans la tente pendant qu'Abraham était chez le boucher).

 

Et ils re-promettent de revenir l'an prochain.

 

Abraham, qui ne veut pas être en reste de politesse, les raccompagne un bout de chemin, jusqu'à ce que la ville de Sodome leur apparaisse au loin.

 

Dieu se dit : "C'est peut-être le moment que je dévoile à mon pote Abraham mes plans pour Sodome. J'ai en effet de grands projets urbanistiques pour Sodome : tout raser, et peut-être, tout reconstruire."

 

Mais c'était seulement "peut-être". Un certain Haussmann, lui, est passé du "peut-être" à la mise en œuvre de la reconstruction.

 

De même qu'un certain Frêche, mais il aurait aussi bien pu s'abstenir…

 

Dans un prochain épisode, nous verrons comment Abraham tente de négocier avec Dieu pour éviter la destruction de Sodome. Dommage qu'il n'ait pas été là pour tenter de persuader certains architectes contemporains de renoncer à leurs projets urbanistiques parfois douteux…

Partager cet article
Repost0

commentaires